"L'Ami de l'Ordre"
Véritable institution de la vie politique namuroise et nationale, le quotidien L’Ami de l’Ordre sort de presse le 6 août 1839. Son promoteur est le chanoine Théodore de Montpellier, futur évêque de Liège. A partir de 1842, son siège est installé rue de la Croix à Namur où il restera jusqu’à la fin de sa publication en 1918. Le journal est d’abord rédigé sous la direction de François-Joseph Douxfils, puis de sa veuve et de son beau-fils, Alphonse Charneux. En janvier 1889, c’est Victor Delvaux qui en obtint la gérance. Originaire de l’Ardenne, celui-ci a fait ses études au séminaire de Bastogne et enseigné au collège de Charleroi. Il a été engagé en 1886 comme rédacteur en chef adjoint, alors qu’il n’est âgé que de 25 ans. S’éloignant de la lignée très radicale adoptée jusque-là par les fondateurs de L’Ami de l’Ordre, Delvaux défend une politique éditoriale plus modérée.
Les liens entre Victor Delvaux et Monseigneur Heylen, évêque de Namur à partir du 23 octobre 1899, sont excellents. Le rédacteur en chef s’engage à être entièrement dévoué à la personne de l’évêque. Il suit la ligne éditoriale déterminée par celui-ci tant dans les domaines religieux que politique. La notoriété du journal dépasse largement la cité et la province namuroises.
La Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin dispose de trois collections pour la période 14-18 : une série presque complète reliée, déposée par la Société archéologique de Namur et quelques volumes reliés complémentaires; une série non reliée appartenant en propre à la Bibliothèque; et une série partielle formée de tirages d’épreuve censurés par l’autorité allemande. Ces documents évoquent une période particulièrement troublée pour les Namurois et leur journal catholique. Le matin du 26 août 1914, le directeur a été convoqué auprès des autorités allemandes. Le major Junge exige la parution afin de transmettre certaines communications à la population namuroise, dont les Allemands continuent de se méfier. L’application des mesures de contrôle du contenu du journal est laissée à l’autorité du bureau de censure dirigé par le lieutenant Taffel. C’est le paraphe de ce dernier qu’on peut découvrir sur les épreuves soumises à son visa. Les relations entre l’autorité allemande et Victor Delvaux seront parfois tendues. L’une et l’autre refusent la parution de certaines informations. La censure est donc conjointe, d’une certaine manière.
L’épiscopat voit d’un bon œil la continuation de la parution de son quotidien au sein de la population namuroise. La presse catholique dispose, ainsi, d’un monopole de fait sur l’opinion de la ville. Les mandements, instructions et informations transmises par l’évêque sont publiés sans retard et sont très rarement soumis à la censure allemande. Cependant, au début de l’année 1916, les choses se gâtent. L’évêque Heylen reproche à Delvaux d’accepter l’insertion de nouvelles en provenance de Rome faisant état de souhaits exprimés par le Pape en faveur de l’Allemagne. Le directeur de L’Ami de l’Ordre louvoie continuellement entre la collaboration avec l’occupant et la résistance contre les troupes allemandes. Il passe de petites annonces de lecteurs qui cherchent des renseignements sur leurs fils, partis sur le front. Il soutient de nombreuses œuvres philanthropiques en leur ouvrant ses colonnes ou en souscrivant à leur collecte de fonds. Il refuse d’appuyer la politique de séparation administrative mise en place à partir de 1917.
Alors que l’armistice est annoncé et que les troupes allemandes évacuent la ville de Namur, l’évêque Heylen accélère l’exclusion de Delvaux. Il négocie un contrat avec celui-ci qui loue les locaux du quotidien ainsi que sa direction à René Delforge. En même temps, il reçoit les élites du parti catholique namurois (Max Wasseige, Fernand Golenvaux, Henri Bribosia, Adrien de Montpellier, Albert d’Huart) et prépare, avec eux, la naissance d’un nouveau journal catholique namurois : Vers l’Avenir. Le 18 novembre 1918, Victor Delvaux comprend la manœuvre et prend conscience que les événements sont dangereux pour lui. Le fait de renoncer à la direction du quotidien namurois juste avant l’entrée des troupes alliées s’apparente à une fuite et donc à une déclaration de culpabilité par rapport aux accusations de collaboration qui circulent déjà en ville. Heylen lui rend alors une visite personnelle et obtient finalement l’accord de Delvaux en lui promettant un soutien sans faille.
Le 19 novembre, Vers l’Avenir sort des presses dont l’encre s’imprimait encore, la veille, sur les feuilles de L’Ami de l’Ordre. Deux jours plus tard, Victor Delvaux est arrêté et reste en prison jusqu’au 11 décembre, date à laquelle il est remis en liberté sous caution. Les ennuis ne sont pas, pour autant, terminés pour Victor Delvaux. Celui-ci sera traîné dans la boue par une partie de la presse. Jusqu’à son procès, il est rangé dans la catégorie des collaborateurs et des profiteurs de la guerre. Condamné par le tribunal correctionnel de Namur en septembre 1919, il est acquitté par la cour d’appel de Liège en février 1922. Quelques mois plus tard, il vend les locaux et le matériel d’impression à l’évêque, suite à de nouvelles pressions exercées par celui-ci.
Axel Tixhon (Avril 2011)
"Vers l’Avenir", journaux de guerre et de paix
Le quotidien Vers l’Avenir (rebaptisé depuis 2010 L’Avenir) a été fondé à Namur, le 19 novembre 1918, par l’évêque Mgr Thomas-Louis Heylen. Il succédait à L’Ami de l’Ordre, qui avait continué à paraître durant l’occupation allemande. La numérisation et la mise en ligne d’une partie des collections du journal est le fruit d’une collaboration entre L’Avenir et la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin, dans le cadre du centième anniversaire du journal.
Les quelque 500 journaux sélectionnés (1082 pages au total) sont ceux de la fin de la première guerre mondiale, ainsi que du début et la fin de la seconde, et cela en raison de leur haut intérêt historique. Celui-ci ne réside pas seulement dans la relation des opérations militaires ou diplomatiques, mais aussi dans toutes ces petites nouvelles qui montrent la vie quotidienne des Namurois en ces périodes douloureuses : difficultés d’approvisionnement et de transports, compte-rendus des premiers conseils de guerre, etc. Même les pages de petites annonces sont pleines d’enseignements.
En ces temps troublés, la fabrication des journaux est un exploit. Faute de papier, la plupart des numéros se limitent à une simple feuille recto-verso. Les premiers mois de 1945, la pénurie atteint son paroxysme : Vers l’Avenir ne paraît plus que trois fois par semaine. Certains jours, les arrivages de papier sont tellement aléatoires que, brusquement, le format se réduit, ou la couleur de fond passe du jauni au gris.
L’espace manque, et donc l’illustration est rare. Mais dans chaque colonne, on devine ce mélange de sentiments qui caractérise l’époque : haine des Allemands, inquiétude face au retour des prisonniers, élan patriotique autour des combattants, crainte du lendemain.
Cette période est marquée par la difficulté, pour les journalistes, de trouver l’information : les services postaux, télégraphiques, téléphoniques sont aléatoires, la circulation est problématique, la censure est active. Quand, en décembre 1944, l’offensive von Rundstedt traverse l’Ardenne pour atteindre la Meuse dinantaise, les nouvelles ne sont annoncées qu’au compte-goutte et on n’apprend finalement l’ampleur de l’attaque qu’une fois celle-ci stoppée.
La lecture de ces journaux permet de bien comprendre la mentalité du temps. Face à l’adversité, les appels à l’unité autour du drapeau national, à la solidarité des Namurois et des Belges, au civisme sont martelés quotidiennement. La figure du Roi est portée sur le pavois. Les affrontements entre catholiques et socialistes ne sont pas oubliés pour autant. L’allégresse de la victoire est de courte durée : les conflits politiques et sociaux réapparaissent rapidement.
Les numéros de Vers l’Avenir qui sont accessibles en ligne sont ceux des périodes suivantes :
- Du 19 novembre 1918 (date de la fondation du journal) au 30 juin 1919.
- Du 1er mai 1940 au 12 mai 1940, dernier jour de parution, celle-ci étant suspendue durant l’occupation allemande.
- Du 7 septembre 1944 (libération de Namur) au 30 juin 1945.
Jean-François Pacco
Documents
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[Eiri Choya Shinbun] = [Journal quotidien japonais]
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A mechanism of formation for the Kirkwood gaps in : Icarus
Henrard, Jacques -
A second fundamental model for resonance
Henrard, Jacques -
Vers l'Avenir. 1918/11/19
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Vers l'Avenir. 1918/12/02
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Vers l'Avenir. 1919/01/02
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Vers l'Avenir. 1919/02/01
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Vers l'Avenir. 1919/03/01
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Vers l'Avenir. 1919/04/01
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Vers l'Avenir. 1919/05/01
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Vers l'Avenir. 1919/06/02
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Vers l'Avenir. 1919/09/08