Carrés de couleur

Les quatre livres d'Albert Durer, peinctre & geometricien tres excellent, de la proportion des parties & pourtraicts des corps humains

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De son vivant déjà, Albrecht Dürer (1471-1528) jouissait d’une immense réputation qu’il devait à son activité de graveur. Ainsi, lorsqu’il effectua un voyage dans les anciens Pays-Bas en 1520-1521, on organisait des banquets en son honneur et les meilleurs peintres lui offraient des cadeaux. Cette renommée de Dürer tenait à sa virtuosité technique, mais aussi à une immense fécondité dans l’invention des compositions des scènes représentées. De là vient que ses estampes étaient fort prisées puisqu’elles fournissaient aux artistes des modèles dont ils pouvaient s’inspirer pour renouveler leur propre stock de composition. Mais l’ambition de Dürer était ailleurs, puisque c’est comme peintre qu’il voulait être reconnu. C’est certainement avec cette intention qu’il s’attela à la réalisation d’un traité artistique qui n’aboutit jamais. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut appréhender le Traité des proportions du corps humain (1528) présenté ici dans sa traduction française de 1557, tout comme son traité sur la géométrie : Instruction sur la manière de mesurer (1525), qui contient sa théorie sur la perspective, largement inspirée de la Costruzione legittima d’Alberti ou des traités de géométrie de Piero della Francesca. Car c’est bien au contact des peintres italiens que Dürer aura eu l’idée de développer un discours théorique sur sa pratique artistique. Comme Léonard de Vinci, Dürer avait donc l’ambition de devenir un artiste universel et il développa même ses compétences dans l’ingénierie, tel qu’en témoigne son Traité sur la fortification des villes, châteaux et bourgs (1527).

Fortement influencé par les grands peintres italiens du Quattrocento et de la Haute Renaissance dans sa quête de la beauté idéale, Dürer entreprit dans un premier temps de construire les corps humains sur base des figures géométriques simples (triangle, cercle, carré). Son traité des proportions du corps humain témoigne de l’évolution de sa pensée puisqu’il y envisage des rapports de proportions adaptés à différents types humains. Dans le Livre I de son traité, il propose ainsi quatre types basés sur le rapport entre la hauteur de la tête – incluant le cou – dans la hauteur totale du corps ; ces rapports sont de 7, 8, 9 et 10. Dans les autres parties de l’ouvrage, Dürer établit également son système sur une division proportionnelle du corps humain, mais en prenant pour base des mesures plus fines.

Dans l’exemple illustré, la hauteur totale de la tête s’inscrit huit fois dans la hauteur totale du corps.


Michel Lefftz

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