Carrés de couleur

Traité des maladies de l'oreille

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En 1881, le docteur Calmettes réalise la traduction en français du Traité des maladies de l’oreille que le célèbre professeur Urbantschitsch vient de publier à Vienne.

En effet, déjà à cette époque, certains médecins spécialistes en oto-rhino-laryngologie avaient décidé de concentrer toutes leurs activités sur l’otologie, considérant que « les maladies de l’oreille doivent être, aujourd’hui, de la part d’un chirurgien instruit, l’objet d’une attention aussi sérieuse que les maladies de tout autre organe ».

S’il en fallait une preuve, l’auteur insiste sur une « règle générale dont il ne faut jamais se départir, c’est que l’assurance sur la vie doit être refusée à toute personne atteinte d’inflammation suppurative de l’oreille » ! Comment expliquer une telle affirmation, si ce n’est en la replaçant dans son contexte ?

En cette deuxième moitié du XIXe siècle, l’exercice de la médecine au quotidien n’est pas facile : aucun antibiotique, pas d’imagerie médicale, pas d’endoscope pour examiner ni de microscope pour opérer… Une simple otite aiguë tourne vite en mastoïdite ou en abcès cérébral, et la mort guette.

Comme tout cela nous paraît lointain, insensé… C’est ainsi que ce livre retient l’attention du lecteur d’aujourd’hui : il permet de se rendre compte de tous les progrès accomplis.

À l’époque, l’examen du tympan se fait à l’œil nu, en utilisant un miroir pour réfléchir la lumière ambiante et la focaliser vers l’oreille. Pour les consultations du soir, il est conseillé d’ajouter un peu de camphre dans la lampe à pétrole de son cabinet, cet additif rendant la lumière artificielle un peu plus blanche ; cependant, « en otologie, le meilleur éclairage est la lumière du jour réfléchie par un mur blanc ou par les nuées ». Cher patient, revenez donc demain matin, s’il fait beau…

Et les tests auditifs ? Pour mesurer le degré de surdité d’un malade, « on a recours ordinairement à la montre, au diapason et à la voix ».

Le chapitre consacré à la thérapeutique est à l’avenant, bien que s’y retrouvent des principes encore d’actualité : le médecin doit « se préoccuper beaucoup de l’hygiène des malades » et leur interdire « l’usage des boissons spiritueuses et du tabac ». Même le tabagisme passif est évoqué : « dans tous les cas, les malades ne pourront dormir dans une pièce où on aura fumé ». Par contre, d’autres passages semblent tirés du Malade imaginaire de Molière : « pour provoquer la contraction de la carotide, Winternitz recommande l’usage de mouchoirs pliés en cravate et trempés dans de l’eau glacée » ; en effet, voilà qui glace le sang !

Pour le reste, il faut saluer l’ordre et la clarté de chaque chapitre, qui traite successivement de l’anatomie, de la physiologie puis de la pathologie des différentes parties de l’oreille.

Une surprise m’attend vers la fin de l’ouvrage : « La perte de l’ouïe a des conséquences incalculables chez les enfants (…) et peu à peu la mutité s’associe à la surdité ; l’enfant qui était sourd est devenu sourd-muet. Le traitement consiste (…) à améliorer la perception du nerf auditif. Sous ce rapport, c’est à la galvanisation qu’il faut s’adresser tout d’abord. Comme je m’en suis assuré, le traitement galvanique ramène quelquefois la perception des voyelles. C’est là un résultat bien modeste, cependant il est d’une certaine importance pour l’instruction des sourds-muets et pour l’articulation de la voix ». Ce passage est frappant, en quelque sorte prémonitoire, vu qu’aujourd’hui les enfants sourds peuvent bénéficier d’un implant cochléaire, et que grâce à des stimulations électriques dans l’oreille interne, ils recouvrent une audition fonctionnelle et développent normalement leur langage.

In fine, le lecteur se dit : quel bonheur que de vivre au XXIe siècle…


Pierre Garin

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