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L’ouvrage de Jacob Gysbert Samuel van Breda décrit un grand nombre d’espèces et de genres nouveaux de deux familles de plantes découvertes à Java : les orchidées et les asclépiadacées. Cette description a paru entre 1827 et 1830 et comporte, dans la majorité des copies existantes aujourd’hui1, 3 fascicules. Mais l’exemplaire de la bibliothèque Moretus Plantin en contient un quatrième qui nomme et décrit trois nouveaux genres et six nouvelles espèces. Seul le Koninklijk Instituut voor de Tropen (KIT) à Leyde semble posséder un exemplaire comportant un quatrième fascicule : le fascicule IIII. L’exemplaire de Namur contient 38 pages et 19 planches : une espèce manque par rapport à l’exemplaire du KIT. Il fait partie du legs du Comte de Limminghe (1834-1861) qui fut un grand collectionneur de livres anciens de botanique2. L’existence de deux exemplaires du fascicule IIII n’a été établi que depuis 1991 par M. J. Van Steenis-Kruseman & J. F. Veldkamp (Rijksherbarium, Leyde), ce qui leur a permis de démontrer, selon les normes acceptées internationalement, qu’il fut effectivement publié. Dès lors, la découverte de ce deuxième exemplaire à Namur a permis de compléter la nomenclature des orchidées3, comme en atteste, entre autres, le dictionnaire des orchidées publié par Peggy Alrich et Wesley Higgins4.
La découverte du Prospectus de la souscription ouverte auprès de l’éditeur Hippolite Vandekerckhove à Gand permet de connaitre la genèse de cette publication5. Après avoir été annexée à la France jusqu’en 1815, la Belgique est alors sous domination hollandaise : Guillaume Ier est Roi des Belges. L’archipel des Indes qui fait partie des possessions d’outremer du Royaume des Pays-Bas, est encore peu connu. Les quelques travaux consacrés à « ces îles si abondantes en production de la nature » n’ont fait qu’éveiller l’attention des naturalistes.
Soucieux de favoriser la propagation des sciences utiles, ces vastes domaines sont ouverts aux recherches des savants de tous pays. Et « munis de tous les subsides que les progrès des sciences naturelles avaient rendus indispensables », des naturalistes de premier ordre y sont dépêchés.
Le premier, le professeur Reinwardt, botaniste, zoologiste, versé dans les sciences physiques et chimiques, entreprend un long périple dans l’Archipel indien. Peu après son retour, en 1820, deux jeunes naturalistes, l’un, Allemand, assistant au musée de Leyde, Heinrich Kuhl (1797-1821) et, l’autre, Néerlandais, Johan Coenraad Van Hasselt (1797-1823), partent à Java pour y continuer les recherches. Ils sont accompagnés d’un dessinateur G. van Raalten. Dès leur arrivée à Java, ils rassemblent des échantillons de leurs observations zoologiques et botaniques qui vont aller enrichir les collections des Pays-Bas et donnent lieu à des publications. Négligeant les conseils de prudence des indigènes et de leurs amis en Europe, ils pénètrent dans « ces forêts vierges où la chaleur et l’humidité réunies font succomber les constitutions les plus fortes ». Ainsi, « les deux naturalistes tombèrent à la fleur de l’âge, victime de leur dévouement aux sciences ». Mais, heureusement, le résultat de leurs recherches et leurs manuscrits, sont transmis en Europe. Guillaume Ier décrète que les observations de ces deux scientifiques seront publiées, tant pour le progrès des sciences que pour rendre hommage à leur zèle. Cet ouvrage doit contenir la partie la plus intéressante de leurs découvertes botaniques : « Un grand nombre d’espèces et de genres nouveaux de deux familles très-peu connues et très-remarquables par leur beauté et par la singularité de leurs organes de fécondation ; des Orchidées et Asclépiadées ». Kuhl et Van Hasselt ont heureusement complété leurs observations scientifiques par une représentation des plantes étudiées. Ils ont fait dessiner sur place tant les plantes que « les analises des fleurs ». Ces dessins sont l’œuvre de « peintres très-habiles… qui paraissent avoir été botanistes eux-mêmes ». La publication est confiée à Jacob Gysbert Samuel van Breda qui « a taché de répondre à cette honorable confiance, en les faisant reproduire par la lithographie, mais surtout par le pinceau avec toute l’exactitude possible en comparant les notes qui accompagnaient les dessins aux plantes-mêmes, pour autant qu’elles étaient conservées dans l’herbier de Kuhl et Van Hasselt, et enfin en composant, d’après la comparaison des figures, des notes et des plantes, une description botanique, écrite en latin ». Les dessins sont l’œuvre de G. van Raalten et A. Steijaert. Franz Kierdorff, un des premiers lithographes, originaire de Trèves, fournit avec F. De Keghel, les planches de l’ouvrage qui sont ensuite coloriées finement à la main.
La souscription est ouverte chez l’imprimeur Vandekerckhove à Gand en 1827 jusqu’au 1er janvier 1828. L’ouvrage est complètement publié aux frais du gouvernement du Royaume des Pays-Bas. Une liste des souscripteurs accompagnera la cinquième livraison.
Jacob Gysbert Samuel van Breda est né à Delft en 1788 dans une famille proche des sciences6. Son père, médecin lui-même, l’envoie à l’université de Leyde pour qu’il s’y forme à la médecine. Passionné par les sciences naturelles, il mène de front l’étude de ces deux disciplines et est promu la même année, en 1811, docteur dans chacune d’elle.
En 1822, il est nommé par le gouvernement des Pays-Bas professeur de botanique, de zoologie et d’anatomie comparée à l’Université de Gand. Il commence son projet de description des genres de plantes envoyées de Batavia dans les Indes néerlandaises. Comme annoncé dans le Prospectus, il avait prévu 18 livraisons de 5 planches et de 5 feuilles de description. En 1830, en tant que Hollandais, il doit quitter précipitamment l’Université de Gand et abandonner le projet en raison de la révolution belge. « Il dut s’éloigner précipitamment en abandonnant tout ce qu’il possédait, entre autres de nombreux dessins et des manuscrits précieux. » L’année suivante il revient à Gand accompagné de sa femme afin d’y rechercher ce qu’il y avait laissé, « mais cette démarche faillit avoir des suites regrettables. Nous ignorons ce qu’on lui reprochait, peut-être tout simplement sa qualité de fonctionnaire hollandais ; toujours est-il qu’il n’échappa à la police belge qu’en fuyant pendant la nuit. »
Finalement, le tableau qui suit représente l’ordre théorique de parution des orchidées qui ont été effectivement dessinées et décrites dans les quatre fascicules. Les numéros associés aux noms des orchidées sont ceux des planches de l’exemplaire de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin. On constatera qu’il manque une planche du fascicule III.
Les orchidées de van Breda
Fascicule I |
Fascicule II |
Fascicule III |
Fascicule IIII |
Polychilos cornu-cervi (13) |
Armodorum distichum (19) |
Octomeria paucifolia
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Pomatocalpa diffusum (16) |
Macrostylis disticha (12) |
Styloglossum nervosum (1) |
Octomeria racemosa (5) |
Conchoglossum montanum (17) |
Sestochilos uniflorum (11) |
Cionisaccus lanceolatus (2) |
Vanda pauciflora (6) |
Conchoglossum silvestre (17) |
Odontostylis triflora (10) |
Psychechilos gracile (3) |
Hippoglossum umbellatum (7) |
Dendrobium barbatum (18) |
Odontostylis multiflora (10) |
Orchipedum plantaginifolium (4) |
Pomatocalpa spicatum (8) |
Orthoglottis imbricata (14) |
Octomeria vaginata (9) |
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Macrotis anceps (15) |
En 1831, Van Breda devient professeur de zoologie et de géologie à la Faculté des Sciences de l’Université de Leyde ; en 1839 il s’installe à Haarlem où il a été nommé secrétaire de la Hollandsche Maatschapij der Wetenschappen. Il décède en 1867.
Anne-Marie Bogaert-Damin
Mars 2017
1 On a pu recenser d’autres copies dans les bibliothèques du Koninklijk Instituut voor de Tropen à Leyde, de l’Université de Leyde, dans la Bibliothèque Interuniversitaire de Montpellier (BIU), dans (IDS) de Bâle Bern, dans la bibliothèque de l’Institut de France à Paris et dans celle du Jardin botanique de Meise en Belgique.
2 BOGAERT-DAMIN A.-M., PIRON J., Livres de fleurs du XVIe au XXe siècle, Namur, 1984, p. 4-5.
3 Voir à ce propos : VAN STEENIS-KRUSEMAN M.J., VELDKAMP J. F., Van Breda’s genera et species orchidearum Fasc. IIII effectively published, in Flora Malesiana Bulletin, 10(4), 1991, p. 331 à 334.
4 ALRICH, P. et HIGGINS W. E., The Marie Selby Botanical Gardens Illustrated Dictionary of Orchid Genera, Comstock Publishing Associates, 2008
5 BREDA, Jacob Gijsbertus Samuel van, Genera et species orchidearum et asclepiadearum quas in itinere per insulam Java… collegerunt Dr. H. Kuhl et Dr. J.C. van Hasselt, etc [A prospectus of J. G. S. van Breda’s work of that title]. [Ghent, 1827], 4 p., 4°., Document conservé à la British library à Londres.
6 Pour une biographie de van Breda, voir : Liber memorialis. Université de Gand. Notices biographiques, t. II, Faculté des sciences, Faculté de médecine, Gand, I. Vanderpoorten, 1913, p.14-21.