Carrés de couleur

Liber chronicarum

Contenu

Lorsque l’on évoque les premiers monuments de l’histoire de l’imprimerie, on pense évidemment à la célèbre Bible de Gutenberg, premier livre jamais reproduit à l’aide de caractères mobiles vers 1454-1455. Parmi les autres productions remarquables du XVe siècle, figure également le Liber Chronicarum du médecin Hartman Schedel (1440-1514) sorti de presse le 12 juillet 1493.

Cette chronique universelle, également appelée Chronique de Nuremberg, relate l’histoire de l’humanité depuis sa création jusqu’à la fin du XVe siècle et est découpée en six livres, par analogie avec le récit de la Création du monde en six jours. Conçu selon la structure traditionnelle des chroniques médiévales, mais d’inspiration humaniste pour sa vision globalisante des savoirs, cet ouvrage est né dans les cénacles humanistes de Nuremberg et est le résultat d’un travail d’équipe. Ce projet a été porté financièrement par deux patriciens de Nuremberg, Sebald Schreyer (1446-1520) et son beau-frère Sebastian Kammermeister (1446-1503). Le texte a été rédigé sous la direction d’Hartman Schedel, en collaboration avec d’autres humanistes de Nuremberg ou de passage. L’atelier d’Anton Koberger (ca 1443-1513) à Nuremberg, certainement l’un des plus grands d’Europe, a été retenu pour réaliser l’impression. L’exécution des illustrations a, quant à elle, été confiée à deux des plus grands artistes allemands de l’époque, Michaël Wohlgemut (1434/37-1519) et son gendre Wilhelm Pleydenwurff (1460-1494), dans l’atelier desquels le jeune Albrecht Dürer (1471-1528) a fait son apprentissage entre 1486 et 1489. Le résultat est exceptionnel : reproduit au format in-folio en 326 feuillets, cette impression contient 1809 illustrations avec un tirage estimé à 1800 exemplaires. Ce livre doit son immense succès à la qualité et au nombre de ses gravures : de magnifiques illustrations à pleine page rythmant les grandes séparations du livre, des gravures sur demi-page représentant principalement des scènes ou des vues de villes, ainsi qu’une multitude de petites gravures pour figurer l’imposante galerie de personnages. Son taux de conservation est extrêmement important et témoigne de sa large diffusion. Plus de 800 exemplaires sont encore conservés dans le monde. La Chronique de Nuremberg peut à juste titre être considérée comme l’un des premiers best-sellers de l’ère typographique.

L’exemplaire de la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin porte deux ex-libris contemporains : ceux de Nicolaus de Sorio, recteur d’un couvent Saint-Étienne que nous ne sommes pas parvenu à localiser, et de Johannes Baptista Sorius, certainement de la même famille. L’ouvrage est par la suite entré en possession de Girolamo Durazzo (1739-1809), Doge de la République ligurienne lors de l’occupation de l’Italie par Napoléon Bonaparte et grand amateur d’art. Le volume est resté dans les mains de la famille Durazzo jusqu’à ce que l’un des descendants, Marcello Durazzo (1842-1922), marquis d’Occimiano, décide de léguer sa bibliothèque au Collège salésien San Carlo de Borgo San Martino, en Piémont. Ce legs est resté célèbre car il contenait une importante collection de partitions autographes de Vivaldi, aujourd’hui conservée à la Biblioteca Nazionale Universitaria de Turin. La chronique d’Hartman Schedel est vraisemblablement arrivée à Namur à l’occasion de la mise en vente, en 1926, de livres anciens par le Collège San Carlo pour financer des travaux de réfection.


Renaud Adam (avril 2014)
Université de Namur – UNamur
Université de Liège – ULg (Transitions – Département de recherche sur le Moyen Âge tardif & la première Modernité)


Pour en savoir plus

- Incunabula Short-Title Catalogue, is00307000 (http ://www.bl.uk/catalogues/istc/).

- M.-L. Polain, Catalogue des livres imprimés au quinzième siècle des bibliothèques de Belgique, t. 3, Bruxelles, 1932, n° 3469.

- A. Wilson, The Making of the Nuremberg Chronicle, Amsterdam, 1976.

- C. Reske, Die Produktion der Schedelschen Weltchronik in Nürnberg, Wiesbaden, 2000.

- M. Lefèvre, « Chronique de Nuremberg », in P. Fouché et al. (dir.), Dictionnaire encyclopédique du livre, t. 1, Paris, 2002, p. 527.

lien haut de page