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« L’Essai sur le commerce de M. Melon », écrivit Voltaire, « est l’ouvrage d’un homme d’esprit, d’un citoyen, d’un philosophe ; il se sent de l’esprit du siècle ; et je ne crois pas que du temps même de Colbert il y eût en France deux hommes capables de composer un tel livre ». Et de fait, il est souvent considéré comme le premier traité d’économie politique digne de ce nom écrit en langue française. Paru en 1734, revu et augmenté en 1736, sans cesse réédité ensuite et traduit en une vingtaine de langues, son influence sera considérable.
Après avoir assumé différentes charges dans l’appareil d’État, Jean-François Melon de Pradou (1675-1738) devint le secrétaire de John Law, peu de temps avant sa chute ; il en défendra toujours passionnément le système. L’une des idées-forces de son ouvrage consiste à percevoir la dette publique comme un prêt qu’un État se fait à lui-même. Ce faisant, il ouvre la marche au raisonnement – toujours actuel – selon lequel la dette ne constitue par un transfert d’une génération à une autre mais bien d’un groupe social (les contribuables) vers un autre (les rentiers), qui en perçoit le fruit. Par ailleurs, si sa vision du mercantilisme reste globalement colbertiste, il s’en démarque par sa conception de la finalité de l’économie, qui doit d’abord et avant tout servir le bien-être de la population, non celui de l’État.
La place de Jean-François Melon dans l’histoire de la pensée économique n’apparaît pas comme très évidente : d’aucuns l’ont rangé parmi les néomercantilistes, d’autres l’étiquettent plutôt comme un protolibéral… De ce flou il résulte que son oeuvre n’est plus guère étudiée ; la position favorable qu’il adopte à l’égard de l’esclavage dans le Nouveau Monde a du reste certainement contribué à cette mise à l’écart.
Antony Smal