
Traité des mouvemens simpatiques avec une explication de ceux qui arrivent dans le Vertige, l'Epilepsie, l'affection Hypocondriaque, & la Passion Hysterique
Contenu
D’entrée de jeu, Pierre Brisseau, médecin des hôpitaux du royaume de France, avoue publier son traité de neurologie dans la précipitation, puisque Louis XIV, en plein conflit de la ligue d’Augsbourg, ne cesse de lui envoyer des blessés de guerre suite aux sièges des villes de Mons (1691) et de Namur (1692). Cette circonstance servira à l’auteur à excuser d’éventuelles coquilles et hypothèses non fondées qu’il avance le long de l’ouvrage.
Les fondements neurophysiologiques et la microscopie étant à l’état de balbutiement au XVIIe siècle, l’étude du système nerveux se limite à l’observation anatomique ; le fonctionnement du cerveau ou ses dysfonctionnements relèvent quant à eux de pures élucubrations. C’est dans ce contexte que s’inscrit le traité du docteur Brisseau, qui pour autant ne démérite pas en tentant d’expliquer la propagation de l’influx nerveux, son origine et ses altérations au cours de diverses pathologies. Même si au regard d’un profane, le discours paraît tenir la route, il est loin le temps où l’on pensait que l’âme sécrétait une liqueur à l’origine de nos émotions, de nos pensées et de nos actes.
Selon le docteur Brisseau, le cortex cérébral est peuplé d’innombrables petites glandes richement vascularisées filtrant le sang de l’individu. De cette filtration est extraite une liqueur, appelée « esprit animal », animée par des mouvements incessants de flux et de reflux le long des fibres nerveuses. Ces mouvements de liqueur dans les nerfs régiraient dans certains cas la contraction musculaire ou dans d’autres cas les sensations. M. Brisseau avancera des hypothèses assez fantaisistes afin d’expliquer la mécanique d’écoulement de la liqueur et les conséquences d’une perturbation de son écoulement, à l’origine de troubles comme l’épilepsie ou l’hystérie. Il justifie par la même occasion les traitements de ces maladies, parmi lesquels nous retrouvons les fameuses saignées, émétiques (vomitifs) ou autres purgatifs, destinés à purifier le corps des substances irritantes pour les fibres nerveuses.
Une des qualités du livre est la prudence de l’auteur vis-à vis de ses travaux ou de ceux de ses contemporains. Par ce biais-là, il fait passer un message fondamental à la communauté scientifique : « J’avoue que je ne crois pas tout ce que je lis et je trouve qu’il n’est rien de plus ridicule que d’embrasser aveuglément un Système » ; autrement dit, tout dogme ou toute hypothèse doit être remis constamment en question.
Charles Nicaise