
C. Cornelii Taciti Opera quae exstant. I. Lipsius quartùm recensuit. Idemque notas ad oram addidit, rerum indices
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Pour ma part, mon cher Plantin, bien que je sois actuellement pris par diverses occupations pénibles et que ma santé ne soit pas bonne, j’ai cependant tenu à m’occuper de ce travail afin que l’on tire profit, tant dans la vie publique que privée, de l’écrivain le plus salutaire et le meilleur qui soit pour notre époque. Une époque de malheurs, mais que cette Histoire, selon moi, aidera à supporter en prodiguant réconfort, sagesse et exemples.
C’est en ces termes que Juste Lipse (1547-1606), un des plus grands noms de l’humanisme savant, recommande à Christophe Plantin – clarissimus Typographorum – son édition des Annales, des Histoires et des autres œuvres de Tacite. À partir de 1574 et jusqu’à sa mort, le savant brabançon en procura pas moins de sept éditions critiques, toutes confiées à l’officina Plantiniana. Est ici exposé un exemplaire de la quatrième édition, publiée simultanément dans la maison-mère d’Anvers et dans la succursale de Leyde, alors dirigée par Franciscus Raphelengius, gendre de Plantin.
L’établissement du texte tacitéen et son commentaire par Juste Lipse fut l’œuvre d’une vie. À chaque nouvelle édition, celui-ci proposait de nouvelles conjectures et revenait sur ses précédentes corrections – il en « emprunta » d’ailleurs certaines à des collègues sans les citer, une pratique assez courante à l’époque, mais qui provoqua une brouille avec l’humaniste Marc-Antoine Muret, dans laquelle Christophe Plantin (qui éditait les travaux des deux savants) fut bien malgré lui impliqué. Quoi qu’il faille penser de ces aemulatiunculae, ces « petites rivalités » philologiques, les spécialistes de Tacite, aujourd’hui encore, reconnaissent leur immense dette envers le labeur de Juste Lipse. Quant à son invitation à lire l’historien latin afin d’être « mieux armé pour affronter les épreuves de la vie », elle reste plus que jamais d’actualité.
Pierre Assenmaker