
Anselmi Boëtii de Boot ... Florum, herbarum, ac fructuum selectiorum icones, & vires pleraeque hactenus ignotae. E bibliothecâ OlivarI VredI I.C. Brugensis. Accessit Lamberti Vossii Rosellani Lexicon novum herbarium tripartitum : Latino-flandrobelgico-gallicum, Flandrobelgico-latinum, & Gallico-latinum
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Issu d'une famille aristocratique d'origine brugeoise, Anselme Boèce de Boodt (1550-1632) entama son cursus académique en "artes" à l'université de Louvain, étudia le droit à Douai et Orléans et se tourna ensuite vers la médecine. Il décrocha son doctorat à Padoue en 1587 et entra dès l'année suivante au service de l'empereur Rodolphe II (1552-1612) à Prague en qualité de médecin et de conseiller. Il conservera ce poste durant de nombreuses années avant de rentrer vers 1614-1616 dans les Pays-Bas, où il s'éteint à Bruges en juin 1632.
Le nom d'Anselme de Boodt est surtout passé à la postérité grâce à sa célèbre Gemmarum et lapidum historia, un traité sur l'histoire et les propriétés des pierres précieuses et des minéraux paru à Hanau en 1609, plusieurs fois réédité et qui fit l'objet d'une traduction française imprimée à Lyon en 1644 (Namur, Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin, R17A0010).
Les Florum, herbarum ac fructuum selectiorum icones et vires présentées ici témoignent de la double expérience d'Anselme de Boodt en tant que médecin et naturaliste. L'ouvrage propose en effet la description morphologique et la représentation d'une soixantaine de fleurs, de fruits et de plantes dont l'auteur fournit les propriétés curatives "pleraeque hactenus ignotae". Anselme de Boodt débute la description de chaque plante en mentionnant sa dénomination en différentes langues : latin, grec, français, néerlandais mais aussi allemand, italien, espagnol, arabe et même tchèque (allusion à son séjour à Prague dans l'entourage de Rodolphe II).
D'après une tradition historiographique remontant au XVIIème siècle, les Florum, herbarum ac fructuum selectiorum icones et vires auraient été éditées une première fois à Francfort en 1609. La lecture de la dédicace du juriste et historien brugeois Olivarius Vredius (1596-1652) en tête de volume invite toutefois à revenir sur cette information. Vredius y précise en effet que son ami Anselme de Boodt, alors âgé de 82 ans et sentant sa fin toute proche, lui aurait remis en mains propres une copie manuscrite illustrée de son ouvrage en lui demandant d'en assurer la publication à titre posthume. Le souhait d'Anselme de Boodt sera exaucé puisque moins d'une dizaine d'années après son décès, Vredius fit imprimer les Florum... icones et vires à Bruges, chez Jean-Baptiste et Luc vanden Kerchove, à l'automne 1640 – comme précisé en toutes lettres dans la dédicace : "Scripsi [...] ipsis Kalendis Octobris M.DC.XL". Non sans une certaine logique, Olivarius Vredius choisit d'adresser l'ouvrage à Jean-Jacques Chifflet (1588-1673), grand érudit d'origine franc-comtoise et confrère d'Anselme de Boodt puisque Chifflet exerçait lui aussi comme médecin auprès d'illustres patients – en l'occurence, l'archiduchesse Isabelle et le roi Philippe IV d'Espagne.
La page de titre de l'exemplaire numérisé ici annonce la présence d'un lexique trilingue latin, néerlandais et français dressé par Lambertus Vossius (alias Lambert de Vos, † 1648), homme de lettres d'origine brabançonne qui assura par ailleurs la traduction française des Sigilla comitum Flandriae de Vredius imprimée à Bruges en 1641, soit un an plus tard que les Florum... icones et vires d'Anselme de Boodt. Or on ne trouve nulle trace de ce lexique botanique dans la copie namuroise des Florum... icones et vires, pas plus d'ailleurs que dans des exemplaires conservés dans d'autres bibliothèques et dont la page de titre annonce également ce complément (ex. Bibliothèque royale de Belgique, Real Jardin Botanico de Madrid, American Philosophical Society à Philadelphie, etc.). Pour des raisons qui restent à éclarcir, le lexique de Lambertus Vossius n'est visiblement jamais venu compléter le texte de de Boodt malgré l'annonce sur la page de titre. Ceci explique vraisemblablement que Jean-Baptiste et Luc vanden Kerchove – les imprimeurs des Florum, herbarum ac fructuum selectiorum icones et vires – durent procéder à une recomposition de la page de titre en y supprimant la mention du lexique, comme en témoigne l'exemplaire de l'Openbare Bibliotheek de Bruges, paru lui aussi en 1640 chez les frères vanden Kerchove et pour le reste rigoureusement identique aux copies pourvues de l'indication "Accessit Lamberti Vossii Rosellani Lexicon novum Herbarium tripartitum".
La présence de 60 figures au sein du volume est mentionnée par l'index ainsi que par l'approbation datée du 3 juillet 1640 ("Icones haec sexaginta"), et ce nombre apparaît en outre au-dessus de la dernière plante représentée sur la dernière planche. L'ouvrage compte en réalité 61 gravures sur cuivre et autant de descriptions botaniques : l'index signale en effet que la "Fig. 12" (traduisez : la planche n°12) comprend à la fois la représentation du potiron (ou de la citrouille) et du melon, qui apparaissent de manière conjointe sur une seule et même planche portant le numéro 12. Ces deux cucurbitacées font toutefois chacun l'objet d'une description distincte au sein même du texte, respectivement aux pages 22-23 ("De pepone") et 24-25 ("De melone"). Le volume contient au total 31 planches qui, à l'exception de la première ornée d'une seule une gravure montrant une vigne portant des raisins, comportent toutes deux illustrations. Certaines compositions sont agrémentées de ravissants motifs d'animaux – papillon (fig. 12), lièvre ou écureuil (figs 25-26), coq (figs 47-48), oiseaux (figs 15-16, 19-20, 27-28, 51-52, 53-54), etc. – et l'une d'entre elles met en scène deux hommes dévêtus secouant vigoureusement un arbre pour en recueillir les fruits dans un panier (figs 21-22).
Quant aux liens de parenté iconographique souvent évoqués dans l'historiographie entre les Florum, herbarum ac fructuum selectiorum icones et vires d'Anselme de Boodt et l'Altera pars Horti floridi du talentueux graveur Crispin de Passe le Jeune (ca 1589 - 1667) imprimée vers 1614, ils demanderaient à être analysés plus avant. Relevons simplement à titre indicatif que si de nombreuses planches ont bien été empruntées au florilège de Crispin de Passe, celui-ci ne comprend en revanche pas une petite vingtaine de gravures qui apparaissent dans les Florum... icones et vires (figs 19-20, figs 21-22, figs 27-28, figs 41-42, figs 43-44, figs 47-48, figs 49-50, figs 55-56 et figs 59-60). La figure 12 chez de Boodt est en outre ornée de deux animaux absents dans la planche correpondante de l'Altera pars Horti floridi et les planches 53-54 des Florum... icones et vires, comprises aux n°110-111 dans le recueil de Crispin de Passe, sont ici inversées.
Céline Van Hoorebeeck
Conservatrice - Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (Université de Namur)
Janvier 2013
Pour en savoir plus
- J. Kickx, Esquisses sur les ouvrages de quelques anciens naturalistes belges, Bruxelles, 1852.
- M.-C. De Bodt-Maselis, Anselmus Boetius de Boodt (Brugge 1550-1632), een Vlaams humanist met Europese faam. Gevolgd door een reproductie van Het kruidboek (1640), Roelers, 1981.
- Botany in the Low Countries (end of the 15th century - ca. 1650), cat. exp., Anvers, 1993, n° 67.
- Images de jardin du XVIe au XXe siècle dans les collections de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin, cat. exp. A.-M. Bogaert-Damin et J. Piron, Namur, 1996, n° 26.
- M.-C. Maselis, A. Balis et R.H. Marijnissen, The De Boodt Watercolours (Illuminationen. Studien und Monographien, herausgeben von Heribert Tenschert, n°2 - Catalogue XLII), Tielt, 1999 (traduction anglaise de De albums van Anselmus de Boodt (1550-1632). Geschilderde natuurobservatie aan het Hof van Rudolph II te Praag, Tielt, 1989).
- The De Boodt Album of Natural History Drawings. Lot 56 in sale of Natural History, Atlases and Travel, cat. Sotheby's, Londres, 10 décembre 1998.
- C. Opsomer et R. Halleux, Les sciences naturelles, la chimie et la médecine, dans Histoire des sciences en Belgique de l'Antiquité à 1815, sous la dir. de R. Halleux, C. Opsomer et J. Vandersmissen, Bruxelles, 1998, spéc. p. 247-248.