Contenu
Ce petit volume illustre bien les difficultés auxquelles fut confronté Christophe Plantin pour faire (sur)vivre son entreprise dans le contexte troublé de la guerre de Quatre-Vingts Ans. Il rassemble une vingtaine de lettres échangées en avril 1582 entre d’importantes personnalités du régime espagnol. Cette correspondance confidentielle était d’un contenu sensible : on y souhaite par exemple la mort de Guillaume d’Orange, qui avait été victime d’une tentative d'assassinat le 18 mars 1582. Les lettres furent « interceptées » et rendues publiques par le camp adverse dans un délai de moins de deux mois (le privilège date du 26 juin). Ce type de publication est un bon exemple du rôle crucial que joua l’imprimerie dans la « guerre de pamphlets » qui doublait les conflits armés.
La moitié des lettres publiées dans ce volume sont du cardinal Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1586). S’il s’était attiré une vive inimitié de la part de la population des Pays-Bas, Granvelle, homme de grande culture, était un mécène généreux, et il comptait parmi les plus importants protecteurs de Plantin depuis de longues années. Or, celui-ci avait obtenu, respectivement en 1578 et 1579, les titres d’« imprimeur des États-Généraux » et d’imprimeur officiel de la ville d’Anvers (alors sous domination calviniste) ; depuis le 17 avril 1582, il était en outre « imprimeur du Duc », c’est-à-dire de François d’Anjou, frère d’Henri III, alors pressenti pour devenir roi des Pays-Bas (c’est lui qui octroya le privilège d’impression de cet ouvrage). Investi de telles fonctions, Plantin ne pouvait que s’exécuter chaque fois qu’on lui enjoignait d’éditer des pamphlets dirigés contre le parti espagnol. Granvelle et ses autres protecteurs catholiques ne lui en tinrent pas rigueur.
Pierre Assenmaker