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En tant que directeur de l’asile Saint-Julien de Bruges, le chanoine Petrus Maes (1806-1877) rédige, en 1845, ses Considérations sur les maisons d’aliénés en Belgique et prend ainsi part au débat public qui anime le Parlement belge autour du statut des institutions psychiatriques. Il réagit point par point au rapport rédigé trois ans plus tôt par une commission d’experts qui se sont prononcés en faveur d’une intervention étatique forte dans la prise en charge des malades mentaux. Criminologues et médecins y ont plaidé pour une laïcisation et une médicalisation du champ psychiatrique.
Dans son ouvrage, le chanoine Maes démonte méthodiquement les propositions avancées par ladite commission. Il y soulève nombre d’écueils organisationnels, en particulier, le mode de financement dit inopérant des asiles. Du point de vue thérapeutique, le chanoine attribue un rôle central à la religion comme moyen de traitement moral des aliénés. L’asile calme, isolé, vaste, bien aéré et religieusement administré est présenté comme le lieu de vie idéal pour les malades mentaux. Afin d’illustrer cet argumentaire, figurent en annexe les plans des institutions de Bruges et de Courtrai hissées au rang de modèles du genre. Contrairement au primat accordé à l’environnement spatial et à l’encadrement religieux, le pouvoir du médecin est cantonné à un rôle subsidiaire, dans la mesure où Maes juge que le traitement thérapeutique des maladies mentales a finalement peu évolué depuis l’Antiquité. « La médecine moderne, écrit-il, a le talent de s’entourer de l’appareil séduisant des grands mots et des phrases sonores ; mais allez au fond : bien souvent ce sont les mêmes idées avec plus de prolixité, plus de développement, et moins de simplicité, de clarté et de précision. » (p. 74). Et de conclure : « S’il fallait […] opter entre […] une maison d’aliénés sans médecins ou une maison d’aliénés […] sans terres, notre choix ne serait pas douteux : nous nous déciderions pour la première et le résultat prouverait que nous avons raison.» (p. 125)
En écho à de telles prises de positions, la loi sur le régime des aliénés, adoptée en 1850, constitue un compromis entre les partisans d’une laïcisation des institutions psychiatriques et les défenseurs du statu quo. Elle met certes en place une forme de contrôle étatique sur les asiles mais consacre surtout, sous la pression de l’opinion catholique, le principe de l’initiative privée dans ce secteur. Les institutions religieuses préserveront, pour des décennies encore, leur position dominante dans le champ du soin des âmes.
Anne Roekens
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![]() Considérations sur les maisons d'aliénés en Belgique de Petrus MaesRoekens, Anne |