Carrés de couleur

Grondwet van België : uitgave versierd met platen

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Commentaire rédigé sur base de l'édition française dans le cadre de l'exposition Balade patrimoniale au cœur des Sciences et des Lettres (2016)

Le poids des mots et la force des images : la Constitution belge de 1830

Il est rare dans l’édition juridique que les textes se joignent aux images. À livre ouvert, en mots et en images, un texte aussi fondamental que la Constitution parle autrement au lecteur.

Le 7 février 1831, le Congrès national vote la Constitution belge. Bien structurée, concise et lisible, cette Constitution est une création originale et a été, en son temps, une source d’inspiration pour de nombreux pays. Elle est aussi le document fondateur de l’État belge. À ce titre, elle reste une référence et une source de réflexion.

La Constitution de 1830 est centralisatrice et dote l’État d’un pouvoir fort. Mais elle témoigne aussi d’un souci de protection du citoyen : séparation des pouvoirs, égalité devant la loi, reconnaissance et protection des libertés fondamentales. Ces affirmations essentielles n’ont pas été démenties au fil des révisions successives rythmant la transformation de l’État belge en un État fédéral.

Inutile d’énumérer les changements qui ont eu lieu sur près de deux siècles. La question linguistique a cristallisé l’attention et entraîné des greffes constitutionnelles plus ou moins réussies avec leur lot de bis, de ter et de quater. Un changement profond de philosophie sociale et politique s’est aussi produit. Il s’est manifesté par des conquêtes spectaculaires comme la suppression du suffrage censitaire et l’élection du Parlement au suffrage universel. La philosophie d’une époque, qui la distingue de celle qui la suit, s’exprime aussi de façon plus discrète par le style d’un texte et l’iconographie choisie pour en illustrer les dispositions.

La Constitution de 1830 privilégie la formule concise qui dit (presque) tout en peu de mots. « Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution », énonce l’article 25 (art. 33 actuel). L’article 8 (art. 13 actuel) proclame : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ». On a dit que notre Constitution était de celles que l’on peut graver dans le bronze sur le socle de la colonne du Congrès. L’image est significative : elle souligne la solidité de la Constitution, celle de la roche qui se frotte au froid du métal. L’image s’inscrit parfaitement dans une conception monumentale de l’ordre juridique dont la métaphore privilégiée est la pyramide de Kelsen, bien connue des théoriciens du droit.

L’iconographie choisie est solennelle. Les personnages qu’elle met en scène sont un peu figés et font souvent référence aux auteurs grecs ou latins. Sans doute s’agit-il d’inviter à une certaine sagesse politique et juridique mais aussi de souligner combien la Constitution fait le lien avec la tradition et l’ouvre à un avenir, dans la perspective d’un temps long.

Les choses ont changé. La Constitution actuelle, coordonnée le 17 février 1994, contient encore des dispositions lapidaires, souvent héritées du texte d’origine. Des révisions se sont toutefois succédé à un rythme soutenu. Certaines ont eu des résultats heureux, d’autres ont abouti à l’introduction de dispositions symboliques sans effet juridique clair ou de dispositions interminables qui n’ont pas leur place dans un document fondamental.

Inutile de s’appesantir. L’accélération du temps politique et juridique produit des oeuvres éphémères qu’on dirait faites pour être révisées. Le crédit des textes fondamentaux en souffre. À l’heure des réseaux en perpétuelle recomposition dont la complexité implique des ajustements permanents, il arrive aux juristes de soupirer en pensant aux pyramides et, peut-être plus secrètement, aux cathédrales.


Xavier Thunis

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Titre Libellé alternatif Classe

Constitution de la Belgique : édition illustrée

Brown, Henry, 1816-1870

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