
De l'indecence aux hommes d'accoucher les femmes: et de l'obligation aux meres de nourrir leurs enfans; ouvrage dans lequel on fait voir, par des raisons de physique, de morale, & de médecine, que les meres n'exposeroient ni leurs vies, ni celles de leurs enfans, en se passant ordinairement d'accoucheurs & de nourrices
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Célèbre figure de la médecine au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, Philippe Hecquet livre dans cet ouvrage deux traités distincts. Le premier est un véritable plaidoyer contre le métier d’accoucheur. L’auteur y démontre, récits bibliques et références historiques à l’appui, que l’accouchement a toujours été une « affaire de femmes », qui ont exercé cet art depuis des temps immémoriaux. Selon lui, la profession d’accoucheur est tout à fait contraire aux règles les plus élémentaires de la morale chrétienne et de la pudeur. Dans son second traité, P. Hecquet défend avec vigueur l’importance de l’allaitement maternel et expose les dangers que courent les mères qui ne nourrissent pas, ainsi que les mille périls guettant les enfants envoyés par leur mère chez une nourrice.
En tant que médecin du XXIe siècle, on s’étonnera de constater combien, dans les deux traités, les sentences morale et religieuse prévalaient alors sur les arguments purement médicaux qui, aujourd’hui, sont les seuls qui doivent guider le travail du personnel soignant.
Ne jugeons pas P. Hecquet trop sévèrement : il était, comme l’immense majorité de ses contemporains, profondément religieux. Très pieux, marqué par le jansénisme, il était tout bonnement un homme et un médecin de son époque, se faisant l’écho des préjugés les plus tenaces qui tenaient les chirurgiens éloignés de la pratique de l’obstétrique.
Et pourtant, à partir de la première moitié du XVIIIe siècle, de plus en plus de chirurgiens se font accoucheurs, alliant leurs connaissances théoriques à la pratique qui leur faisait défaut jusque-là. La position de P. Hecquet apparaît donc comme « réactionnaire » à un moment où le corps de métier des chirurgiens s’implique de plus en plus dans ce domaine, au détriment des « matrones » qui en avaient précédemment le monopole.
S’il s’érige en défenseur des sages-femmes et de leur savoir-faire, P. Hecquet culpabilise par contre sans ménagement les mères qui envisageraient de ne pas nourrir elles-mêmes leurs enfants. Il présente l’absence d’allaitement maternel comme une cause de décadence des familles et des états, un acte qui « aliène les cœurs et avilit les esprits ». Des exemples des plus effrayants sont utilisés pour le démontrer : l’empereur Caligula, selon lui « le plus dénaturé des empereurs », aurait été le résultat des pratiques douteuses de sa nourrice, qui aurait frotté ses mamelons dans le sang avant de le faire boire…
En parcourant les traités de P. Hecquet, le médecin d’aujourd’hui fait un voyage dans le temps et dans l’histoire, mais également à travers les mentalités : il découvre la manière dont médecine et obstétrique se concevaient à une époque qui nous semble à la fois si proche et si éloignée de la nôtre.
Annie Degen et Morgane Belin
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Titre | Libellé alternatif | Classe |
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