
Aromatum, et simplicium aliquot medicamentorum apud Indos nascentium historia : Ante biennium quidem Lusitanica lingua per Dialogos conscripta, D. Garcia ab Horto, ... auctore: Nunc verò primùm Latina facta, & in Epitomen contracta à Carolo Clusio Atrebate
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Garcia da Orta (1499-1568), médecin portugais, occupe une chaire de philosophie à l’université de Lisbonne avant de s’embarquer pour Goa, dans les Indes orientales, où il accompagne de 1554 à 1555, en qualité de premier médecin, le comte de Redondo, nommé vice-roi des Indes. Il profite de son séjour pour étudier les propriétés médicinales des plantes qui croissent spontanément dans les environs de Goa. Sur l’île de Bombay, il crée un jardin où il rassemble les arbres les plus rares afin d’en analyser les caractères et les propriétés. En 1563, il décide de consigner le résultat de ses observations dans un livre rédigé sous forme de dialogue et intitulé : Colloquios dos simples o drogas da India. C’est lors de son voyage en Espagne que Charles de l’Écluse, un des botanistes les plus célèbres du XVIe siècle, prend connaissance de ce livre et est intéressé par les observations nouvelles qu’il contient sur des plantes encore inconnues en Europe. Aussi décide-t-il de le traduire du portugais en latin en adaptant la structure initiale du livre. C’est ainsi que ce traité est publié par Christophe Plantin à Anvers en 1567, où il connaît un grand succès et sera réédité de nombreuses fois jusqu’en 1642.
Le livre est une compilation par ordre alphabétique de plantes natives des Indes aux propriétés aromatiques et médicinales.
Commentaire rédigé par Jean-Baptiste Vanderpas dans le cadre de l'exposition Quand la médecine rencontre son patrimoine
Issu d’une famille de juifs espagnols expulsés d’Espagne puis convertis au christianisme (marranes) – époque de Philippe II. Confronté à l’Inquisition, il migrera vers les Indes (Goa) où il rédige en portugais un manuel consacré aux produits aromatiques exotiques – aussi bien végétaux que minéraux.
C’est son œuvre majeure. Elle se caractérise par une compilation touffue de descriptions sommaires (quelques lignes, grands caractères) en botanique, minéralogie, et zoologie. On remarque qu’une telle étendue de connaissances n’est pas classée par domaine logique d’expertise, mais par simple ordre alphabétique. On y trouve de très nombreuses digressions sur les propriétés attribuées à tel ou tel produit.
Cette étendue de sujets disparates rappelle un marché aux puces ou un souk. De temps en temps, dans la masse, on déniche une info précieuse : il se pourrait que sa description clinique d’une gastro-entérite aiguë fréquemment mortelle corresponde au choléra – à tort ou à raison – on lui en attribue la paternité de première description clinique.
Le choléra… Ah oui ! Robert Koch, 1883. Après avoir identifié le bacille de la tuberculose sur des tranches de pomme de terre, il identifie aussi la bactérie cholérique. On n’est plus dans la compilation, mais bien dans l’approche raisonnée : un expert, un domaine très restreint d’expertise. C’est le fossé qui existe entre l’appropriation des connaissances de Garcia de Horta, érudit féru d’exotisme du XVIe siècle, et celle d’un savant d’un domaine très pointu de fin du XIXe siècle : quatre siècles pour passer d’une description clinique noyée dans un volume de plusieurs centaines de pages à l’identification de l’agent causal d’une maladie épidémique.